Position du PNA sur la réintroduction en France

Après la réintroduction en Espagne de deux Aigles de Bonelli nés en captivité en France, la coordination du Plan national d’actions en faveur de l’Aigle de Bonelli (PNAAB) tient à préciser que cette question ne se pose pas à l'heure actuelle dans l'hexagone même si l’opération des Baléares a reçu le soutien de principe du PNAAB, dans la mesure où cette opération répond aux critères de coopération internationale sollicités par ce dernier et compte-tenu du fait qu’une recolonisation spontanée est peu probable dans ces îles. Contrairement au site des Baléares d'où ce rapace avait disparu dans les années 1970, l'Aigle de Bonelli, classé espèce en danger par l'Union européenne, est toujours présent dans son aire de distribution dans la région méditerranéenne française.

Suite à une diminution drastique de l’effectif reproducteur en France passant de 80 couples environ dans les années 1960 à 23 couples seulement en 2002, on compte aujourd’hui 31 couples de cette espèce menacée. Les actions menées dans le cadre de deux plans d’actions depuis 1995 ont donc permis de stabiliser son déclin et d’amorcer une lente croissance de ses effectifs. La principale cause de mortalité identifiée est l’électrocution, loin devant la persécution occasionnelle par tir ou empoisonnement https:/..lis-australia/.

Ainsi, les études scientifiques conduites par le CEFE-CNRS de Montpellier ont montré l’impact positif et significatif des neutralisations de lignes électriques dangereuses entreprises depuis 1997, sur le taux de survie de ce rapace. Par ailleurs, l'état génétique satisfaisant de la population ne justifie pas l’éventuelle introduction de nouveaux individus dans le but de régénérer le potentiel de reproduction de l’espèce, qui correspond à ce qui est observé dans les autres pays où elle est présente. Même si des opérations de "renforcement" à partir de lâchers de juvéniles étaient envisagés dans le futur, aucune amélioration ne pourra être constatée tant que la principale cause de mortalité (électrocution) ne sera pas éliminée et si les habitats naturels permettant l’installation de nouveaux couples ne sont pas conservés. Avec le développement des énergies renouvelables depuis une dizaine d’années, on enregistre en effet de nouvelles pressions sur les domaines vitaux de cette espèce qui s’ajoutent aux pressions classiques (urbanisme, infrastructures, activités de loisir, etc.). En outre, sachant que près de 80% des jeunes oiseaux meurent dans leurs 3 premières années et que, selon un calcul réalisé par le CEFE-CNRS, il serait nécessaire de relâcher 40 jeunes oiseaux par an pendant 20 ans pour atteindre un taux de croissance positif de la population (hors immigration naturelle), cette option n’apparaît pas comme la plus pertinente à ce jour. Cet effort représenterait un défit considérable en production d'oiseaux par les centres d'élevages, un coût démesuré par rapport aux moyens disponibles et à la situation actuelle de l'espèce, une concurrence de temps et de moyens par rapport à d'autres actions jugées plus prioritaires et une source de conflit quasi assurée avec le monde de la chasse. Les répercussions de cette dernière auraient potentiellement des conséquences négatives très supérieures aux bénéfices attendus, d’autant que l’Aigle de Bonelli est aujourd’hui souvent présenté par le monde de la chasse comme le symbole de d’un terroir et de milieux naturels de qualité.
La réintroduction n’est donc qu’un outil dont l’utilisation ne doit être envisagée qu’à partir du moment où d’autres solutions plus efficaces n’ont pas été trouvées et mises en oeuvre. Les échecs récents de réintroductions de Gypaète en Sardaigne et en Andalousie, faute d'avoir pu régler en préalable les questions de mortalité d'origine anthropique (et ce malgré les moyens remarquables mobilisés en Andalousie par exemple), illustrent bien ce problème, même si des succès avec ont été constatés ailleurs (dans les Alpes) avec la même espèce et les mêmes techniques.

Dès lors, le choix fait par le PNAAB est de renoncer au renforcement en France et de concentrer les moyens sur la poursuite de la réduction des menaces et la préservation des habitats.